Thématique
Prévoyance professionnelle : situation financière des institutions de prévoyance en 2020
Malgré la persistance de fortes incertitudes dans l’économie réelle et sur les marchés des capitaux dues à la pandémie de coronavirus, la situation en matière de couverture des institutions de prévoyance suisses à la fin 2020 n’a jamais été aussi bonne depuis la fondation de la CHS PP en 2012
Malgré la persistance de fortes incertitudes, les institutions de prévoyance ont bien traversé les turbulences provoquées par la pandémie de coronavirus et ont obtenu un rendement net moyen de la fortune de +4,4 % (contre +10,4 % l’année précédente). À la fin décembre 2020, les taux de couverture affichés ont atteint en moyenne 113,5 % (contre 111,6 % fin 2019) et se trouvaient ainsi à leur plus haut niveau depuis 2012. La part des institutions de prévoyance en situation de découvert s’est réduite à 1,0 % (contre 1,1 % fin 2019). Dans l’année sous revue, la redistribution estimée aux dépens des assurés actifs a diminué de manière significative pour passer à 4,4 milliards de francs (contre 7,2 milliards l’année précédente). Il s’agit là d’une conséquence des adaptations effectuées au cours des dernières années dans les domaines de la valeur des engagements et des taux de conversion. La redistribution se maintient toutefois, il demeure urgent d’adapter les paramètres techniques fixés par la loi à l’évolution des réalités économiques et démographiques.
La Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP) a présenté, en même temps que son neuvième rapport d’activité, les derniers chiffres sur la situation financière des institutions de prévoyance. Réalisé sur des bases identiques dans toute la Suisse et axé sur les risques, le recensement des chiffres-clés des institutions de prévoyance donne une vue d’ensemble de la situation financière du régime de la prévoyance professionnelle au 31 décembre 2020.
Le nombre d’institutions de prévoyance a encore diminué durant l’exercice sous revue. Le processus de concentration se poursuit donc dans le 2e pilier. A la mi-avril, parmi les 1 552 institutions de prévoyance suisses, 1 484, c’est-à-dire 95,6 % (année précédente : 1 504 parmi 1 624, soit 92,6 %) avaient participé à l’enquête. Les analyses portent sur 1 454 institutions, représentant un bilan de 1 129 milliards de francs (année précédente : 1 066 milliards de francs).
État des lieux
Malgré la persistance de fortes incertitudes dans l’économie réelle et sur les marchés des capitaux dues à la pandémie de coronavirus, la situation en matière de couverture des institutions de prévoyance suisses à la fin 2020 n’a jamais été aussi bonne depuis la fondation de la CHS PP en 2012. Les craintes liées aux fortes turbulences sur les marchés des actions en février et mars 2020, selon lesquelles il fallait s’attendre à des pertes dans les principales catégories de placement, ne se sont heureusement pas matérialisées. Fin 2020, les marchés de capitaux supposaient que la pandémie serait vite surmontée. Dans un contexte marqué par la faiblesse persistante des taux d’intérêt, les institutions de prévoyance ont généré de bons rendements dans les principales catégories de placement (surtout dans les actions et les biens immobiliers).
Le rendement net moyen de la fortune s’est élevé en 2020 à 4,4 % pour les institutions de prévoyance sans garantie étatique et sans solution d’assurance complète (année précédente : 10,4 %) et à 4,2 % pour les institutions de prévoyance avec garantie étatique (année précédente : 11,5 %). Les rendements positifs obtenus par la plupart des institutions se sont traduits par une augmentation des taux de couverture calculés sur des bases individuelles. Ces taux sont de 113,5 % (contre 111,6 % fin 2019) pour les institutions de prévoyance sans garantie étatique et sans solution d’assurance complète, et de 85,8 % (contre 79,8 % fin 2019) pour les institutions de prévoyance avec garantie étatique.
Fin 2020, 99 % des institutions de prévoyance de droit privé et des institutions de droit public sans garantie étatique et sans solution d’assurance complète (année précédente : 99 %) affichaient un taux de couverture d’au moins 100 %. Cette proportion était de 20 % fin 2020 (année précédente : 16 %) pour les institutions de prévoyance avec garantie étatique, dont beaucoup appliquent le système de la capitalisation partielle.
Intérêts des capitaux de prévoyance des assurés actifs
L’avoir de vieillesse obligatoire défini à l’art. 15 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP ; RS 831.40) devait être rémunéré, en 2020, à un taux d’au moins 1,00 % (année précédente : 1,00 %). En moyenne, les intérêts des capitaux de prévoyance des assurés actifs ont été de 1,84 % (année précédente : 2,40 %) pour les institutions de prévoyance sans garantie étatique et sans solution d’assurance complète, et de 2,10 % (année précédente : 2,80 %) pour celles avec garantie étatique.
Jusqu’à présent, conséquences financières limitées de la pandémie
Fin 2020, aucun impact financier dû à la pandémie n’a été constaté sur les institutions de prévoyance. De même, grâce aux mesures de soutien de l’État, la crise des PME tant redoutée n’a pas eu lieu en Suisse en 2020. L’incertitude concernant le développement économique au cours des prochaines années a toutefois augmenté.
Il n’est pas encore possible d’évaluer dans quelle mesure les institutions de prévoyance seront concernées par la mortalité probablement supérieure en raison de la pandémie. Il faut toutefois s’attendre à ce qu’il s’ensuive une phase de réduction de la mortalité, à l’instar des années précédentes marquées par de fortes vagues de grippe ou par des épisodes de canicule. On suppose actuellement qu’il n’y aura pas de changement en ce qui concerne l’hypothèse de base d’une augmentation de l’espérance de vie.
Redistribution réduite, mais persistante
Avec près de 4,4 milliards de francs, la redistribution est moins importante qu’au cours des années précédentes. Il y a plusieurs explications à cela. D’abord, la baisse des taux d’intérêt techniques a été moins marquée au cours de l’exercice que par le passé, ce qui signifie que le financement complémentaire des rentes en cours a mobilisé moins de capital. À la fin 2020, le taux d’intérêt technique moyen était de 1,76 % (et de 1,99 % pour les institutions de prévoyance avec garantie étatique). Ensuite, les promesses d’intérêts se montaient en moyenne fin 2020 à 2,52 % pour les institutions de prévoyance sans garantie étatique et sans solution d’assurance complète (et à 2,59 % pour les institutions de prévoyance avec garantie étatique). Il en est également résulté une baisse des pertes sur les retraites. Enfin, la rémunération moyenne de nouveau relativement élevée des capitaux de prévoyance des assurés actifs a réduit l’écart de rémunération avec les bénéficiaires de rentes, ce qui permet d’éviter que cet élément contribue de manière significative à la redistribution.
Les estimations sur la redistribution annuelle montrent que la valeur de 4,4 milliards de francs pour l’année 2020 est nettement plus faible que la moyenne sur cinq années qui est de 6,3 milliards de francs. Les prochaines années montreront si les 4,4 milliards de francs représentent un premier signe d’une réduction de l’ampleur de la redistribution ou seulement une fluctuation annuelle. L’ampleur de la redistribution à la charge des assurés actifs demeure substantielle avec 0,5 % du capital de prévoyance des assurés actifs et des bénéficiaires de rentes.
Réserves de fluctuation de valeur non encore intégralement constituées
Après plus d’une décennie de rendements sur les placements moyennement bons à très bons, les réserves de fluctuation de valeur des institutions de prévoyance sont plus élevées que jamais au cours des dix dernières années. Néanmoins, elles ne sont, même dans le cas des institutions de prévoyance sans garantie étatique et sans solutions d’assurance complète, constituées en moyenne qu’à 76 %. Sur la même période, la part des placements en valeurs réelles dans les stratégies de placement des institutions de prévoyance a augmenté, et avec elle les risques de placement. En raison de la faiblesse persistante des taux d’intérêt, beaucoup d’institutions de prévoyance ont été contraintes de prendre des risques de placement plus importants. Si les institutions de prévoyance n’ont pas entièrement constitué leurs réserves de fluctuation, elles ne sont pas, selon leurs propres évaluations, suffisamment armées contre les risques liés à la volatilité des marchés. L’une des raisons principales de la constitution incomplète des réserves de fluctuation de valeur est la nécessité, ces dernières années, d’utiliser des sommes importantes pour sécuriser le financement des rentes en cours.
Perspectives
En février et mars 2020, les mouvements sur les marchés des capitaux ont montré que la situation en matière de couverture peut se dégrader très rapidement et très nettement. Un système par capitalisation est exposé à ces risques de placement et doit être capable de supporter les fluctuations des marchés des capitaux. Les institutions de prévoyance sont normalement des investisseuses à long terme et peuvent également être amenées à accepter des situations de découvert à court terme. Cela est d’ailleurs prévu dans la loi. Afin que le système fonctionne, les placements doivent toutefois être compatibles avec les engagements. Si les institutions de prévoyance devaient être contraintes d’augmenter encore leurs risques de placement, des adaptations deviendraient aussi nécessaires en ce qui concerne les engagements, c’est-à-dire pour ce qui est de la garantie des rentes en cours.
Même si les organes suprêmes de nombreuses institutions de prévoyance offrant des prestations bien plus généreuses que le régime obligatoire LPP ont pris des mesures pour garantir la pérennité de leur régime de prévoyance, d’autres, plus proches du minimum LPP, restent soumises à des prescriptions légales irréalistes. Jusqu’à présent, les institutions de prévoyance dont les prestations sont proches du régime obligatoire LPP ont souvent bénéficié du fait qu’elles n’étaient confrontées qu’à peu de départs à la retraite et donc à peu de pertes sur les retraites. Cependant, avec chaque année supplémentaire que le législateur laisse passer sans réforme, il faut s’attendre à ce que les départs à la retraite augmentent pour ces institutions de prévoyance également. Au vu de la bonne situation financière actuelle, la politique devrait saisir l’occasion et convenir rapidement de prescriptions légales réalistes, en particulier pour ce qui est du taux de conversion minimal LPP.
Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP)
La Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP) est une commission décisionnelle indépendante, dont les coûts sont entièrement couverts par des taxes et des émoluments. La surveillance directe des institutions de prévoyance est de la compétence des huit autorités de surveillance régionales, en fonction du lieu où se trouve le siège de chaque institution. Quant à la haute surveillance, elle échoit à la CHS PP, commission non soumise aux directives du Parlement et du Conseil fédéral. La CHS PP assume en outre la surveillance directe des fondations de placement, du Fonds de garantie et de l’Institution supplétive, et elle est l’autorité d’agrément des experts en matière de prévoyance professionnelle.
Dans le but de protéger les intérêts financiers des assurés en alliant responsabilité et perspective à long terme, la CHS PP suit le principe d’une surveillance uniforme et axée sur les risques. En situant son activité dans la durée et sur le plan économique, elle entend contribuer à une amélioration sensible de la sécurité du système ainsi qu’à la sécurité du droit et à l’assurance de la qualité.
Pour protéger les avoirs de prévoyance des assurés, le principe d’une gestion des institutions de prévoyance axée sur les risques est inscrit dans la loi. L’activité de surveillance doit être conçue en conséquence. En vertu du droit, la CHS PP peut recourir à l’instrument de la directive. Elle peut donc édicter des directives applicables à l’activité des experts en matière de prévoyance professionnelle et des organes de révision, ainsi qu’aux autorités de surveillance elles-mêmes.
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