France 2016
Lorik Cana, héros d’une tragédie albanaise
Expulsé contre la Suisse, le capitaine de l’Albanie manquera le match de sa vie contre la France, ce mercredi à Marseille
De sa première sélection, le 11 juin 2003, au premier match disputé par l’Albanie dans une grande compétition internationale, il s’est écoulé treize ans jour pour jour. Treize ans d’attente pour un rêve qui n’aura duré que 36 minutes. Tel est le destin tragique de Lorik Cana, exclu contre la Suisse, samedi à Lens, après avoir été sanctionné d’un deuxième carton jaune. Le défenseur voulait épargner à son équipe un deuxième but en repoussant la balle de la main lors d’un duel avec l’attaquant Haris Seferovic, à l’orée de la surface de réparation.
Sa tragédie: il manquera la partie contre la France, ce mercredi au Stade Vélodrome (21 heures). Une sanction terrible pour celui qui a été pendant des années le capitaine de l’Olympique de Marseille, où il a joué de 2005 à 2009. Ce devait être le match de sa vie, comme il l’avait expliqué en décembre. «C’est particulier pour moi de disputer une compétition importante, la première pour l’Albanie, dans mon second pays, en plus contre la France et à Marseille. C’est incroyable pour ma famille de me voir jouer au Stade Vélodrome, à un quart d’heure de notre maison. C’est un peu mon stade et c’est un beau clin d’oeil du destin.» Le football est parfois cruel.
Une main volontaire
A la fin de la partie contre la Suisse (1-0), le capitaine de l’Albanie a exprimé ses regrets et expliqué son geste. «Je suis désolé. J’ai pris ce risque en espérant que l’arbitre pénalise le petit geste qui m’a fait tomber», a déclaré Lorik Cana à Reuters, avant d’entrer dans le détail pour SuperSport. «Seferovic se trouvait près de moi, il m’a poussé un peu, j’ai glissé et suis tombé. J’ai compris que je me trouvais à l’extérieur de la surface de réparation et que je ne risquais pas de provoquer un penalty. Après avoir tenté de repousser le ballon de la tête, refusant de laisser l’adversaire marquer, j’ai utilisé ma main. Lorsque l’arbitre a sifflé, j’espérais que c’était en ma faveur… Mais je n’en avais pas la certitude. Si nous avions été dans les seize mètres, je n’aurais pas touché le ballon de la main.»
Même s’il est loin d’avoir connu la meilleure saison de sa carrière au FC Nantes, le capitaine reste le leader incontesté de l’équipe nationale, un joueur important et un personnage influent. Sur les réseaux sociaux, de nombreux fans se persuadent que l’équipe rouge et noire ne pâtira pas trop de son absence contre la France. Il sera remplacé par le milieu de terrain Burim Kukeli (FC Zurich). Voilà pour ce qui est du domaine sportif. Mais le capitaine de l’équipe d’Albanie représente bien davantage aux yeux des fans.
Pour la plupart des supporters albanais, Lorik Cana est un symbole de réussite, une fierté nationale, une star qui donne toutes ses couleurs au drapeau rouge et noir. Il incarne l’esprit d’une petite équipe combative qui a attendu longtemps pour réaliser son rêve de participer à un Euro. Son patriotisme est imprimé sur sa peau par des tatouages de symboles nationaux et des versets populaires de poètes albanais de la Renaissance, décrivant l’histoire du peuple antique des Balkans, les Illyriens, dont sont issus les Albanais.
Premiers dribbles à Lausanne
Les larmes de joie de Lorik Cana le 11 octobre 2015, lors de la qualification de l’équipe pour l’Euro, avaient touché tous les Albanais au plus profond de leur coeur. Huit mois plus tard, le 11 juin 2016, l’Albanie est entrée dans l’histoire en faisant ses débuts dans une grande compétition internationale. Son capitaine en rêvait depuis longtemps.
Le défenseur central, 32 ans, est le fils d’Agim Cana, footballeur de l’équipe de Prishtina qui évoluait en première division d’ex-Yougoslavie dans les années 80. Il a fait ses premiers dribbles à six ans sur les terrains de la ville de Lausanne, puis ses débuts comme professionnel au PSG en 2003. La même année, il était convoqué pour la première fois en équipe nationale.
Indépendamment de l’issue de l’Euro, Lorik Cana restera dans l’histoire du football albanais comme une icône inspirante. Mais si ses coéquipiers signent un résultat positif contre la France, il y aura encore un coup à jouer lors de son retour, dimanche 19 juin contre la Roumanie.
Article paru dans « Le Temps », dans le cadre d’une opération commune avec « Albinfo.ch »
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