Intégration

Les jeunes de la diaspora se désintéressent des évènements communautaires

Les deuxièmes et troisièmes générations de la diaspora albanaise en Suisse, les «secondos», ne semblent pas être très intéressées par les évènements organisés par les membres de leur communauté d'origine.

Le sixième anniversaire de l’Etat kosovar a été fêté dans toute la Suisse. Différents évènements ont été organisés sur tout le territoire helvétique. Les participants à ces festivités étaient essentiellement des personnes âgées, des familles ainsi que des associations liées à l’enseignement complémentaire de la langue l’albanaise, souvent à l’origine de ces évènements.

Les jeunes générations ont quant à elles brillé par leur absence. En particulier les deuxièmes et troisièmes générations nées et élevées en Suisse. Il est inquiétant de constater un tel manque d’intérêt pour des évènements importants tels que l’anniversaire de l’indépendance kosovare. Comment expliquer ce désintéressement des nouvelles générations? Albinfo.ch s’est tourné vers différents interlocuteurs.

Pjetër Delia, 16 ans, vit dans le canton de Thurgovie. Pour lui, le problème vient essentiellement des parents. Mejrema, 18 ans, Granit, 20 ans, et Blerim, 18 ans, sont bien d’accord. «Je ne sais pas, peut-être que les jeunes Albanais qui sont nés ici ne veulent pas se différentier des Suisses de leur âge. Je pense que nous devons nous intégrer en Suisse, sans oublier ni ignorer notre culture. C’est le rôle des parents de faire en sorte que leurs enfants s’intéressent plus à la culture albanaise», explique Pjetër.

Pour Mejrema Govani, étudiante en économie, la responsabilité en incombe également aux institutions kosovares qui devraient s’intéresser davantage aux jeunes de la diaspora albanaise en Suisse. «Si les jeunes ne montrent pas d’intérêt, c’est que les parents ne les informent pas assez sur ce qui est organisé. La deuxième chose, c’est que très peu d’enfants fréquentent l’école albanaise. Aller à l’école albanaise, c’est montrer de l’intérêt pour la culture de notre pays. Cela serait bien que les institutions kosovares soutiennent ces infrastructures, et plus largement la culture albanaise en Suisse.

Granit Kryeziu et Blerim Kastrati partagent cet avis. «Même si nous sommes très occupés, cela n’est pas une bonne raison. Depuis l’enfance, les jeunes apprennent comment ils doivent se comporter dans la vie, et les parents sont le principal facteur de l’éducation des enfants», expliquent Granit et Blerim.

Ibish Neziri, ancien enseignant d’albanais dans le canton d’Argovie, a une autre explication. «Les rassemblements commencent toujours avec du retard, ils sont ennuyeux, les discours sont trop longs, personne ne les écoute et d’ailleurs personne ne les comprend, alors les gens parlent entre eux. Quand il s’agit de réciter de la poésie, celle-ci n’est pas déclamée mais elle est presque pleurée, et ces évènements ne sont bien souvent que la répétition d’anciens rassemblements, longs et chaotiques. La politisation de ces évènements, l’utilisation du folklore à des fins de promotion personnelle, les positionnements politiques des parents et des enseignants, souvent assénés aux enfants, sont également les raisons qui expliquent l’absence de ces derniers à ces rassemblements.

Pour le président de l’association «Bashkimi», Afrim Hasanaj, la faute ne revient pas uniquement aux parents. Pour lui, il serait nécessaire de repenser la communication envers les jeunes, notamment en l’adaptant aux langues parlées en Suisse. «Je pense que nous ne communiquons pas très bien. Peut-être que les jeunes qui sont nés ici ont besoin d’informations dans une autre forme, notamment dans les langues allemande ou française par exemple», explique Hasanaj.

Si le lien avec le pays d’origine reste fort, où que l’on soit, les deuxièmes et troisièmes générations font face à un rapport différent à leur pays d’origine. Alors que les premières vagues d’émigrants ont rencontré des difficultés dans leur adaptation et leur intégration, c’est à d’autres enjeux que font face aujourd’hui les jeunes