Les femmes violées, oubliées par l’Etat
Seul un petit nombre de femmes qui ont été victimes de viols durant la guerre, ont accepté d’être prises en charge par les institutions compétentes. Les autres femmes victimes souffrent en silence.
Dimanche, 4 Janvier 2015 - 18:17
albinfo.ch
Durant la guerre du Kosovo en 1999, environ vingt mille femmes kosovares ont été agressées sexuellement. Ces femmes portent aujourd’hui les stigmates de la guerre et uiquement un petit nombre d’entre-elles ont accepté la prise en charge mise en place par les institutions publiques compétentes.
Dans le Centre de réhabilitation pour les survivants de tortures, cent femmes sont suivies actuellement. Dans le passé, des femmes ont été traités dans ce centre, mais l’ont ensuite quitté. D’autres, en raison des préjugés, ne recourent pas à ce type de services.
Feride Rushiti, directrice du centre de réhabilitation des survivants de la tortue affirme que le soutien envers cette catégorie de victimes a été superficiel.
«De 1999 à 2014, je peux librement dire que c’est seulement la société civile qui, à travers différents programmes et projets partiels, a tenté de venir en aide à cette catégorie » affirme Rushiti. Selon elle, les victimes sexuelles au Kosovo vivent dans des conditions très difficiles.
En juillet 2014, la vice-Première ministre Edita Tahiri a lancé une campagne de justice à l’échelle internationale pour les femmes violées durant la guerre du Kosovo. Elle a initié une pétition qui a réuni 115 mille signatures, et qui a ensuite été adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies (ONU).
Tahiri a demandé à l’ONU d’inclure le Kosovo dans leur rapport sur les femmes violées durant les guerres dans le monde.
« Après avoir communiqué les résultats, nous avons préparé les statistiques avec toute la documentation nécessaire, nous avons écrit à l’ONU, nous avons écrit au Bureau de la Haute représentante de l’ONU, Mme Bangura, mais nous n’avons à ce jour reçu aucune réponse » explique Tahiri.
A ce sujet, Kpress publie la confession abominable d’une femme de souche albanaise agressée sexuellement durant la guerre par des soldats serbes. Selon elle, tout a commencé alors qu’elle et les membres de sa famille se sont établis dans une maison dans le but de ne pas tomber aux mains des forces serbes. Malheureusement, c’est dans cette maison qu’elle a trouvé l’enfer.
C’est après 15 minutes que les forces serbes sont entrées avec violence, avant de menacer de mort tous ceux qui se trouvaient dans la maison, y compris les personnes âgées, les femmes et les enfants.
La jeune femme a été trainée de force à l’extérieur de la maison. « Il m’a agrippé par l’arrière du cou et par le pull, avant de me pousser vers une autre pièce. Il a invité aussi un autre, mais ce dernier lui a répondu « non, je dois m’occuper des autres ici ». Lorsqu’il m’a amené vers une autre pièce, un simple mur me séparait des autres… je ne savais pas ce qui m’attendait » raconte-t-elle.
Ses yeux étaient rivés sur les couteaux aiguisés des paramilitaires, et elle pensait au massacre qui pourrait se produire contre elle. Elle n’avait pensé au viol.
« Puis il m’a ordonné d’enlever mes vêtements. J’étais sûre sur le moment qu’il allaient me massacrer… Je ne comprenais pas ce qu’il me disait, jusqu’à ce qu’il a pointé son doigt vers ses vêtements. Enlève ceci, enlève cela, et je les enlevai, comme il me le disait de le faire. J’étais debout, au milieu de la pièce. J’attendais à ce qu’il me massacre, tout comme ils avaient massacré tout le monde » poursuit la femme.
Avec sa voix tremblante et les larmes aux yeux, elle tente de décrire les minutes durant lesquelles elle a été physiquement maltraitée.
« Il m’a dit de m’asseoir sur le lit que se trouvait dans cette pièce… et je me suis assise nue. Lorsque je me suis assise, je m’attendais à ce qu’il me massacre… et il a commencé à me violer… je sais que j’ai crié, je lui ai dit qu’est-ce qu’il voulait me faire. J’ai été violée dans la bouche, et sous d’autres formes aussi. Il m’a ensuite ordonné de me lever et de me rhabiller, et m’a insulté », témoigne-elle.
Son corps frissonne à chaque fois qu’elle se rappelle de ces scènes de calvaire.
« Ces viols ont duré trop longtemps… jusqu’à ce que je m’y habitue, je suis devenue folle. Je suis ensuite vite sortie, je ne sais même pas comment, je ne sais pas si j’étais habillée ou non, et je suis retournée vers mes enfants qui pleuraient… » continue à raconter cette femme.
Cette victime de violence sexuelle subie durant la guerre se sent abandonnée par l’Etat. À chaque fois qu’elle entend parler des soldats serbes, des souvenirs macabres lui reviennent à l’esprit.
Seulement après 15 ans après la guerre, les institutions du Kosovo ont décidé de placer ces femmes dans la catégorie de victimes de la guerre, afin qu’elles puissent bénéficier d’indemnités étatiques.