Thématique
«Le temps du respect»
Discours du conseiller fédéral Didier Burkhalter devant l'assemblée fédérale - Seul le texte prononcé fait foi
Monsieur le président de l’Assemblée fédérale,
Monsieur le vice-président et président du Conseil des Etats,
Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée fédérale,
Madame la présidente, Madame et Messieurs les membres du CF, chers collègues,
Monsieur le Chancelier,
Mesdames et Messieurs et chers amis,
On dit souvent qu’il y a un temps pour tout. Encore faut-il écouter et respecter le temps. Pour ma part, il y a quelques semaines, j’ai écouté le temps qui passait et j’ai ressenti le besoin d’écrire une nouvelle page de vie ; une page blanche, sans la fonction de conseiller fédéral. J’ai ressenti le temps de partir.
Partir, c’est mourir un peu. Mais c’est aussi vivre ; beaucoup, autrement ; vivre en faisant des clins d’œil à la liberté.
Aujourd’hui, le temps est venu pour moi de vous parler du respect, avec mon cœur, et de dire merci.
J’aimerais tout d’abord exprimer ma reconnaissance aux institutions de notre pays. Je crois profondément au système collégial de notre gouvernement. Rien ne se fait réellement dans ce pays par une seule personne. Chez nous, l’institution exécutive suisse force la modestie, rappelant constamment que c’est grâce à la force de l’union, grâce à la magie helvétique du rapprochement des points de vue différents, que le pays traverse les orages et l’obscurité avec une souveraine et lumineuse sérénité.
A mes yeux, l’un des secrets de notre pays – de sa culture politique à conserver précieusement, comme un trésor appartenant à toutes les citoyennes et tous les citoyens – consiste à donner à toute majorité la conscience du respect de toutes les minorités. Au fond, la clé d’un pays heureux est dans la force constructive du regard que chacun porte sur l’autre.
Encore un mot sur le gouvernement, presque une confidence à propos du temps et de son respect : pour être conseiller fédéral, il faut savoir refuser et accepter. Refuser que le temps change ce qu’on a de bon à l’intérieur de soi-même; et accepter les caprices du temps, qui transforme les jours en d’interminables tempêtes, alors qu’il laisse filer les années à la vitesse des grands vents sur le lac.
Ma reconnaissance s’adresse aussi à vous toutes et tous, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée fédérale. Dans mes temps de vie passée, j’ai eu le privilège de siéger avec vous ou comme vous, aussi bien au Conseil national qu’au Conseil des Etats ; aussi bien dans l’atmosphère débordante de la Chambre du peuple que dans celle plus contenue de la Chambre des Cantons. Je sais l’importance de vos responsabilités. Je sais aussi les difficultés pour les parlementaires de résister au temps du présent pour pouvoir décider de manière juste pour le temps du futur. Je sais à quel point il est difficile de donner raison à ce qui n’est pas encore là. Je respecte le temps comme le ton – souvent original – de vos motions, même si aujourd’hui je préfère le temps de l’émotion.
Je remercie mon parti et mon groupe politique ainsi que l’ensemble du Parlement de m’avoir donné la chance de servir au Conseil fédéral et de m’avoir accordé de la confiance pendant toutes ces dernières années. Je remercie également l’ensemble des collaborateurs de l’Administration fédérale pour leur engagement convaincu et respectueux en faveur de la chose publique. Et je vous souhaite à toutes et tous, en tant que parlement, gouvernement et administration, beaucoup de courage et de clairvoyance pour l’avenir.
Mon respect et mes remerciements s’adressent également à la Suisse et à toutes celles et tous ceux qui y habitent et qui la font, qui lui donnent sa vie et son âme. Monsieur le président, vous avez parlé de quelques arrêts sur image, de quelques « temps suspendus » qui me concernaient. J’aimerais retourner l’objectif de cette caméra et le porter sur toutes les personnes de ce pays.
En regardant ainsi, je vois des milliers de temps de respect, comme les étoiles dans le ciel. Je ne saurais prendre le temps de les décrire tous ici. Mais permettez-moi de les évoquer en trois temps mêlés : un jour, une année et le temps entier de toutes ces dernières années.
D’abord, un jour : c’est le 9 février 2014. Rappelez-vous, ce fut le temps, pour le peuple et les Cantons, de parler. Et ce fut un cri du cœur. Non pas un cri contre les autres ou contre l’étranger, mais pour montrer l’inquiétude face à l’avenir. Là aussi, il y avait à mon sens une clé et, là encore, elle était basée sur le respect : respecter l’ensemble du pays plutôt que le casser en deux ; respecter la difficulté de trouver une solution plutôt que l’exagérer ; respecter le fait que la solution pouvait être trouvée, mais en respectant l’ensemble des institutions et surtout leurs rôles différents. Respecter encore le fait que la prospérité et la sécurité de notre pays dépendent aussi de notre capacité à développer de bonnes relations avec notre grand voisin et plus grand partenaire.
Ensuite, une année : c’est l’année 2014. La Suisse préside l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Une organisation internationale presque oubliée redevient respectée. Pour assurer la sécurité du continent, notre pays doit prendre ses responsabilités de constructeur de ponts, de médiateur impartial. C’est en mettant sa neutralité au service du monde que notre pays est le mieux respecté.
Enfin, le temps entier de toutes ces dernières années : le temps de la guerre en Syrie et de ses ondes de choc tout autour. Les images que l’on voit alors ne sont pas en Suisse, mais elles sont suisses. Sans même fermer les yeux, je revois tous ces visages d’enfants, de jeunes et de femmes lorsque l’aide de notre pays est passée par là, qu’elle a permis de recevoir de l’eau ou des cours, plutôt que des bombes ; des perspectives d’avenir, plutôt que des souffrances et de la violence sans fin.
En un mot : j’ai mis tout mon cœur dans cette fonction de conseiller fédéral et durant tous ces temps consacrés à forcer autant que possible le respect des valeurs suisses de par le monde ; des valeurs de dialogue et de paix, de droits de l’homme, de lutte pour l’environnement et contre la pauvreté. Aux quatre coins de la planète, j’ai vu beaucoup de détresse mais également de l’espoir. Grâce à la Suisse, grâce à toutes les Suissesses et les Suisses, et grâce à vous, Mesdames et Messieurs les parlementaires. Grâce à la solidarité de notre pays qui est sa plus grande force pour son avenir. Mon vœu : continuez ainsi, continuez à cultiver ce respect des différences qui permet de faire la différence du respect.
Un dernier geste de respect : si mon cœur a su battre à ce rythme, sans rompre, durant toutes ces années, c’est grâce à une personne d’exception : mon épouse Friedrun Sabine, et – à travers elle – ma famille. Ici devant vous, je la remercie du fond du cœur pour avoir choisi d’aimer la Suisse.
Merci.
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