Intégration
Le patronymes balkaniques sont également helvétiques
Interview de Bashkim Iseni, directeur d'Albinfo.ch, pour Le Matin Dimanche, suite à la polémique de Swiss life et les patronymes des personnes d'origine balkanique
La pratique de Swiss Life vous choque-t-elle?
Ça ne m’étonne qu’à moitié. L’altérité fait partie de l’histoire suisse. Le métissage y est extraordinaire. Mais l’ouverture aux autres se fait de manière progressive. Rappelez-vous des Huguenots ou, plus proches de nous, des Espagnols ou des Italiens. Il y a un chemin à parcourir pour que cette altérité devienne partie intégrante de la société helvétique.
Les personnes d’origine balkanique sont les derniers arrivés dans notre pays. Paient-ils cet état de fait?
Difficile à dire. Mais il est vrai qu’ils souffrent davantage de discrimination que les Portugais ou les Italiens aujourd’hui. Les personnes d’origine balkanique sont victimes de stéréotypes. Il existe des différences culturelles objectives avec la Suisse. Mais elles ne sont pas toujours bien comprises. Ce qui crée de la peur et des préjugés. On les dit violents, claniques et peu discrets. Cela est évidemment faux. Et puis vient parfois se greffer leur religion musulmane. Un amalgame est alors fait entre cette population et le radicalisme islamique.
La religion musulmane joue donc un rôle important dans cette discrimination?
Il existe une rhétorique politico-médiatique qui met l’accent là-dessus en effet. Surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001. Avant, personne n’en parlait. La population balkanique en pâtit.
Comment se traduit cette discrimination au quotidien?
Ce sujet revient fréquemment dans les discussions. Un jeune en situation d’échec professionnel peut avoir tendance à l’expliquer par le «racisme» dont il est l’objet. Il y a une souffrance. Dans les journaux, on parle rarement en bien d’eux. Il existe le sentiment d’être une minorité sociale incomprise et peu acceptée. Depuis l’avènement de la Nati de football, la société suisse commence à s’ouvrir. Les prénoms Xherdan ou Blerim ne sont plus associés à de la violence. C’est bien mais encore insuffisant.
Dans quels domaines la discrimination est-elle la plus visible?
Je dirais l’emploi et le logement. Un ami de mon fils, d’origine balkanique, a envoyé plus de cent offres d’apprentissage. Il n’a rien trouvé. C’est problématique. Plus le poste convoité est stratégique, plus la ségrégation est vive. Le nom joue un rôle comme le montrent certaines études. Mais il s’agit aussi d’une question de réseau. Cela est patent pour le logement. Sans relations, il est difficile de gagner la confiance de l’autre. Cela est aussi vrai pour les Suisses. C’est pourquoi la mixité sociale est importante.
A votre avis, existe-t-il des solutions?
Je crois que le travail doit être fait des deux côtés. La communauté balkanique doit passer d’une logique d’organisation communautaire à une structure davantage orientée vers le pays d’accueil. D’un autre côté, la population suisse aurait intérêt à sortir de ses préjugés et à ne pas s’intéresser à cette culture que quand il y a quelque chose qui ne va pas. Cela dit, je pense que nous sommes à un carrefour entre la phase de découverte et de désenchevêtrement. La tendance est positive.
«Suissiser» son nom peut-elle être une solution?
Certains le font en effet. D’autres, et ils sont nombreux, choisissent leur patronyme balkanique comme nom de société. Cela contribue je pense à familiariser les Suisses à ces noms. Ils deviennent alors constitutifs de l’identité helvétique, qui, je le rappelle, n’est pas figée.
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