Opinion
La migration, réponse à la pénurie de main-d’œuvre?
Bashkim Iseni relève que la Suisse pourrait bientôt manquer de très nombreux bras dans les domaines de la santé ou de l’hôtellerie.
L’approche de la Journée internationale des migrantes et migrants, le 18 décembre, est l’occasion de s’arrêter sur ce sujet important pour la Suisse, l’Europe et le monde. Rendre compte et valoriser l’apport de la migration est l’une des missions du Bureau lausannois pour les immigrés (BLI), en montrant l’impact des personnes qui viennent d’ailleurs pour des pans entiers de la capitale vaudoise et au-delà.
Il est important d’informer et sensibiliser l’opinion publique pour lutter contre les préjugés, mais aussi afin d’expliquer la contribution des migrations dans plusieurs domaines cruciaux, comme l’économie et le marché du travail au sein des pays de destination des personnes migrantes, ou le soutien financier auprès de leurs familles dans leurs pays d’origine.
En 2022, selon le haut-commissaire pour les réfugiés, 4,8 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays en raison de la guerre et ont été accueillis dans différents pays européens, en particulier en Pologne, République tchèque ou Moldavie. Dans le monde, la migration a connu un rebond après un ralentissement observé pendant la pandémie de Covid-19.
Un fait saillant à relever est celui du rôle de la migration continue pour répondre aux besoins de l’économie des pays occidentaux, et en particulier de la Suisse. Les accords de libre circulation et l’adaptation des mesures vis-à-vis de la main-d’œuvre en provenance d’États dits tiers (hors Europe) sont-ils suffisants pour prévenir des pénuries éventuelles? Plusieurs études tirent des conclusions convergentes: la demande de main-d’œuvre ne pourra être satisfaite par les seuls travailleurs domestiques. Elles estiment que la Suisse manquera de dizaines, voire de centaines de milliers de travailleurs d’ici à une décennie. Différents secteurs seraient véritablement touchés, en particulier la santé, les soins, l’hôtellerie, mais aussi des domaines hautement spécialisés comme l’ingénierie ou l’informatique, car la Suisse compte trop peu de spécialistes.
En mars 2022, le Conseil fédéral a adopté un train de mesures visant à optimiser l’admission de travailleurs qualifiés en provenance d’États tiers. Les premiers allégements administratifs devraient être mis en œuvre prochainement, dans les domaines où la pénurie est avérée. Jusqu’ici, en provenance des pays tiers, seuls les travailleuses et travailleurs hautement qualifiés étaient admis. Les entreprises qui souhaitaient engager de la main-d’œuvre d’un État tiers devaient prouver qu’ils n’avaient trouvé personne possédant la qualification correspondante, ni en Suisse ni au sein de l’espace UE/AELE.
Une approche globale à adopter
Des accords pour une migration économique régulière, au-delà de l’espace Schengen, seront aussi probablement envisagés comme solutions durables. Toutefois, tout en considérant ces réponses aux besoins économiques, il faudrait aussi adopter une approche globale qui vise à atténuer l’impact social et humain de tels accords, et ce, à la fois pour les pays d’origine, mais aussi pour le pays d’accueil, notamment par un accompagnement adéquat sur place (par exemple via le soutien à des formations dans leur pays d’origine). Une réflexion de fond devrait aussi être menée, en cherchant, par exemple, à éviter le dumping social.
Sur le plan lausannois, le BLI mène aussi une réflexion afin d’agir en amont par des mesures visant à faciliter, dès leur arrivée, l’intégration harmonieuse des primo-arrivants et à favoriser l’employabilité des personnes migrantes déjà établies. À notre échelle, des réflexions avec des milieux professionnels sont menées, afin d’identifier des solutions locales pour améliorer l’employabilité de groupes vulnérables, notamment celui des femmes migrantes peu diplômées, en facilitant leur accès aux informations et prestations existantes visant l’insertion professionnelle et durable dans le marché du travail.
Dr. Bashkim Iseni, délégué à l’intégration de la Ville de Lausanne et fondateur d’Albinfo.ch (paru dans 24 Heures)
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