(KEYSTONE/Walter Bieri)
France 2016
Granit Xhaka: «Notre famille espère que nous ferons match nul»
Ce samedi, le Suisse Granit Xhaka jouera contre l'Albanais Taulant Xhaka, son frère. Une perspective qu'il n'aime pas mais qu'il gérera en professionnel
Albinfo.ch: Comment vous sentez-vous avant cette confrontation?
Granit Xhaka: Taulant et moi, nous en retirons un très mauvais sentiment, c’est très difficile. Déjà le fait de jouer contre l’Albanie est compliqué, mais c’est rendu encore plus dur par le fait que je vais jouer contre l’équipe de mon frère. Mais au final, ce n’est qu’un jeu. Nous sommes des professionnels et nous ferons de notre mieux, et que le meilleur gagne.
– Comment votre famille le vit-elle?
– Au début, cela les a choqués, mais maintenant ils se sont habitués. Les membres de ma famille qui vivent au Kosovo soutiennent l’équipe albanaise tandis que mes parents sont partagés. Ils aimeraient que le match se termine par une égalité. Malheureusement, les deux équipes ont besoin de gagner pour se qualifier.
– Si vous avez l’occasion de marquer un but contre l’Albanie, vous le ferez?
– Évidemment.
– Quel est votre pronostic?
– Je pense que la Suisse l’emportera par 2 à 0.
– Allez-vous communiquer avec votre frère jusqu’au dernier moment?
– Eh bien, le fait que nous jouions l’un contre l’autre ne signifie pas que nos relations de frères se détériorent. Il se peut que le dernier jour avant le match, nous devions nous abstenir de prendre contact.
– Qui est le meilleur footballeur des deux?
– Je l’ai déjà plusieurs fois: Taulant!
– Avant le match, vous allez entendre les deux hymnes. Lequel vous touche le plus?
– Je les porte les deux dans mon cœur. Je suis bien entendu Albanais, mais j’ai pris la décision de jouer pour la Suisse et je le fais en tant que professionnel. Je ferai donc de mon mieux lors de la partie.
– La question n’était pas facile, vu le grand amour que porte votre père à l’Albanie.
– Je suis né et j’ai grandi en Suisse, mais mes racines sont au Kosovo. Mes vacances, depuis plus de dix ans, je ne les passe nulle part ailleurs qu’au Kosovo. J’y ai de solides liens familiaux. Je rends visite à mes grands-parents, oncles et tantes. Je suis fier d’être Albanais et ne le cache pas; cependant, j’ai décidé de jouer pour la Suisse et très peu de gens en connaissent la raison.
– Vous avez désormais la possibilité de jouer pour le Kosovo mais vous avez déclaré vouloir continuer avec la Suisse. Cette décision a-t-elle été prise sous l’influence de pressions?
– Non, il n’y a eu aucune pression, ni de la part de la Suisse, ni du Kosovo. Mais j’aimerais profiter de cette occasion pour dire que nous ne savons toujours pas si nous sommes autorisés à jouer pour le Kosovo et ne savons pas comment cela va se régler. Pour cette raison, j’ai décidé pour le moment de jouer pour la Suisse, mais je ne sais pas ce qui se passera dans 4 ou 5 ans.
– Vous avez dit qu’en ne jouant pas pour le Kosovo, vous laissiez leur chance aux jeunes joueurs qui sont encore au Kosovo de jouer pour la nouvelle équipe nationale.
– C’est vrai, car si les six joueurs d’origine albanaise de l’équipe suisse et ceux qui jouent ailleurs dans le monde devaient tous décider de rejoindre l’équipe kosovare, qu’adviendrait-il de tous les jeunes espoirs kosovars?
– Quel est le potentiel de l’équipe nationale albanaise actuellement?
– Si l’on compare l’Albanie d’aujourd’hui à celle d’il y a quelques années, la différence est énorme. Il y a de nombreux talents, beaucoup parmi eux ont la nationalité suisse. Donc, je pense que l’équipe nationale albanaise a fait de grands progrès.
– Comment percevez-vous le fait que vous êtes vu en exemple, en tant qu’Albanais jouant pour la Suisse, et que serviez de modèle d’intégration?
– Si je peux servir d’exemple dans cette direction, j’en suis fier, mais cela ne plait pas à tout le monde, il y a toujours des adversaires. Je dois dire que les médias ont tout fait pour mettre la pression et, qu’ils se sont montrés très méfiant. Il y a eu des phrases du style: «Si vous ne voulez pas rester avec nous, alors partez». Mais je le leur demande: que deviendrait la Suisse si nous partions? Et la question se pose aussi pour la relève. En M18, en M21, on trouve beaucoup d’Albanais.
Article paru dans « Le Temps », dans le cadre d’une opération commune avec « Albinfo.ch »
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