Intégration
Entre deux cultures: Etre suisse ne signifie pas ne pas se sentir Albanais
Le sujet des appartenances culturelles a été traité durant le débat intitulé “La vie entre deux cultures”, organisé par l’association “Parandalo” (Préviens – NDLR) à Zürich.
“Qui es-tu?” est le titre d’un documentaire helvético-albanais, produit par Valton Jakupi, et présenté dans le cadre d’un débat sur les deux cultures à Zürich.
Le documentaire traite de l’intégration de la communauté albanaise en Suisse et résume l’émigration des Albanais à partir de la première génération dans les années 70 et jusqu’à présent. Ce court-métrage a suscité des dilemmes chez les Albanais sur le fait qu’être albanais ne signifie pas qu’il ne faut pas se sentir suisse. Ou alors, y a-t-il de la place pour les deux identités ?
Valton Jakupi, producteur de films et président du théâtre Antika ; Blerta Kamberi, étudiante en droit et auteure du livre « « Ein gutes Leben: mein Roman über eine albanisch-schweizerische Hochzeit »; Barbara Burri Sharani, experte en culture albanaise, psychologue et conseillère auprès de Solidar Suisse. Tous les trois sont confrontés au dilemme des deux cultures et étaient panélistes durant la table ronde organisée par l’association « Parandalo » à Zürich.
Durant le débat, les participants ont partagé leurs expériences tirées de leur vie quotidienne entre les deux cultures en Suisse, au Kosovo et en Macédoine.
La Suisse ou la Macédoine, les traditions albanaises ou suisses ?
Durant sa formation, et plus précisément durant ses classe à l’école secondaire, Blerta Kamberi avait tenté de répondre à cette question.
Blerta avait également une autre idée en tête : réunir les deux cultures dans un livre de 112 pages, intitulé « Ein gutes Leben: mein Roman über eine albanisch-schweizerische Hochzeit ».
Le livre prend comme exemples des personnages fictifs, dont un Albanais, Jetmir, originaire de Macédoine, et une Suissesse, nommée Jasmin. Les deux sont amoureux l’un de l’autre et décident de se marier en Macédoine. Les parents de Jasmin étaient d’accord pour le mariage, mais pas ses grands-parents, qui étaient plutôt conservateurs.
Blerta a pris le courage de faire paraître, à travers ce livre, les préjugés réciproques entre les Suisses et les Albanais, lesquels, selon elle, font à présent partie de la réalité.
L’auteure originaire de Tetovo (Macédoine) a également abordé la question des politiques suisses envers les étrangers, le statut de la femme dans l’Islam et chez les Albanais ainsi que les raisons qui ont poussé l’émigration des Albanais de Macédoine.
Barbara Burri Sharani, où « la mariée du Kosovo », du moins c’est ainsi qu’elle fut surnommée durant le débat, a parlé du point de vue d’une Suissesse mariée à un Albanais.
Elle explique que ce n’est pas seulement la profession qui la lie au Kosovo, mais des racines bien plus profondes. Barbara Burri s’identifie comme une « demie-schatzi », « la schatzi d’un schatzi », et qu’elle ressent le même manque pour son pays, tout comme les Albanais pour le leur.
« Ce que Blerta a décrit avec des personnages fictifs, je le vis depuis 28 ans dans la vraie vie. J’ai une fille que j’élève dans les deux cultures. Le film de Valton sur l’intégration est également conforme à ce que je vis, car j’ai moi aussi dû m’intégrer à la vie au Kosovo, avec moins de difficultés que vous ici, car les Albanais au Kosovo sont plus accueillants que les Suisses. Je me suis bien intégrée, et je connais bien la langue », explique Barbara Burri.
Mme Burri s’est dite fière d’être suisse et mariée à un Kosovar.
« Il faut une grande volonté pour s’accepter, et ne pas se percevoir comme un Albanais ou un Suisse, mais comme un être humain, et ce, pour pouvoir vivre au mieux les deux cultures ensemble » affirme Mme Burri.
Où se sent-on « à la maison » : en Suisse ou au Kosovo ?
C’est la question qui tracasse beaucoup de monde d’origine étrangère en Suisse et surtout ceux de la deuxième génération.
Shukrije Ramadani du centre culturel a poser cette question aux Albanais de deuxième génération. Elle leur a demandé si leur identité leur posait problème lorsqu’ils se retrouvent avec les Suisse ou encore lorsqu’ils se rendent au Kosovo.
Le producteur Valton Jakupi, pour sa part, a affirmé être fier d’être albanais, et ce, où qu’il aille. Toutefois, il admet se sentir au mieux en Suisse.
« Il m’est arrivé de cacher mon identité durant des rencontres avec des représentants serbes ou russes. Avec les Suisses, je n’ai jamais eu de tels problèmes et mes origines n’ont jamais dérangé aucun d’entre eux. En fait, nous sommes chanceux de pouvoir vivre dans un pays tel que la Suisse » s’exprime Valton.
Alors qu’il avoue ne pas se sentir bien lorsqu’il se rend dans son pays d’origine.
« Je vis entre deux pays et deux émotions spirituelles. Certains nous considèrent comme étrangers là-bas, alors que d’autres nous voient la même chose ici en Suisse. Nous sommes souvent perçus comme des gens avec deux pays d’origine ou sans aucun » rétorque Valton Jakupi. Le débat à Zürich fit l’objet de beaucoup d’enthousiasme de la part des participants, qui ont eu l’occasion de traiter de différentes façons le thème de l’intégration des étrangers, la conservation de la culture du pays d’origine, les préjugés des habitants locaux. La religion fut également un des thèmes de cette soirée.
Le consul du Kosovo à Zürich, Sali Sefa, a souligné que lorsqu’il est question des Albanais en Suisse, on ne mentionne pas leur confession religieuse. « Les Albanais ont besoin de s’intégrer à l’intérieur même des Albanais, leurs réussites ne sont pas seulement concentrées dans le football, mais dans tous les domaines de la vie en Suisse » a résumé le consul Sefa.
La table ronde de dimanche a été soutenue par l’office de l’intégration de la ville de Zürich, dans le cadre du programme cantonal pour l’intégration. L’Institut cantonal sur les questions d’intégrations de l’office fédéral pour la migration a également aidé l’événement.
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