Défis communs pour attirer et retenir les talents
@AES : Mentor Latifi, Ambassadeur de la République du Kosovo à Berne
L’ambassadeur de la République du Kosovo, Mentor Latifi, a ouvert le débat en soulignant les défis communs à la Suisse et à son pays d’origine : « Dans des contextes différents, la question essentielle demeure : comment attirer et retenir les talents dans un monde en perpétuelle mutation ? » Ce constat a ouvert la voie à des interventions centrées sur une vision proactive, visant à transformer cette crise en levier de croissance partagée.
Un appel à l’action collective : transformer les défis en opportunités
@Mentor Ilazi, Président de l’AES– Albanian Engineering of Switzerland
Dans son mot d’accueil, le président de l’AES, Mentor Ilazi, a souligné l’ampleur et l’urgence du problème. « Ce défi touche des secteurs essentiels – santé, technologie, ingénierie, construction, électriciens de réseau – et menace notre compétitivité », a-t-il déclaré. Avec une pénurie de 30 000 ingénieurs aujourd’hui et une prévision de 300 000 ouvriers qualifiés manquants d’ici 2030, l’enjeu est colossal. « L’AES réunit les ingénieurs et architectes d’origine albanaise en Suisse pour soutenir ses membres, faciliter les échanges et contribuer aux défis d’une société durable », a-t-il conclu, en appelant à un engagement collectif.
Pour illustrer son propos, il mentionne l’exemple vaudois, où 1 000 élèves suivent une année d’orientation pour définir leur parcours. « Peut-on réduire ce nombre en renforçant l’accompagnement précoce ? » suggère-t-il. Il propose même une « Task Force nationale », une structure institutionnelle pour coordonner les initiatives et agir de concert. Ses propos résonnent dans la salle, et plusieurs hochements de tête semblent approuver cette idée de coordination collective.
Une réponse multisectorielle et éthique
Les co-organisateurs ont souligné la nécessité d’une réponse intégrée, impliquant à la fois les secteurs et les nations. « Cette crise demande une collaboration non seulement entre secteurs, mais aussi entre pays, » ont-ils affirmé, rappelant que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Suisse – particulièrement dans les soins de santé, l’ingénierie et l’artisanat – exige des réponses équilibrées afin de ne pas épuiser les ressources humaines des autres pays.
Un volet éthique pourrait compléter cette réflexion : comment garantir que les partenariats avec les pays des Balkans n’accélèrent pas l’épuisement de leurs propres ressources humaines ? Une réflexion sur un équilibre gagnant-gagnant pourrait enrichir les prochaines discussions.
Un manque de 300 000 à 460 000 travailleurs d’ici 2035
@Marco Taddei, directeur romand de l’Union patronale suisse
Marco Taddei, directeur romand de l’Union patronale suisse, a tiré la sonnette d’alarme en présentant des projections alarmantes. Selon lui, le vieillissement démographique et le départ à la retraite des baby-boomers pourraient créer un déficit de 300 000 à 460 000 travailleurs d’ici 2035, un défi exacerbé par la difficulté de la relève à combler cet écart.
Pour y remédier, Taddei préconise de mobiliser davantage la main-d’œuvre indigène, en intégrant les plus de 50 ans, les femmes et les migrants dans les secteurs les plus touchés. Il appelle également à un assouplissement des politiques d’immigration pour attirer les talents étrangers, tout en mettant l’accent sur la formation continue et la reconversion professionnelle dans les métiers en tension. « Sans ces ajustements, la compétitivité de notre économie pourrait être gravement compromise », avertit-il, soulignant l’urgence d’une réponse politique et économique coordonnée.
En fin de conférence, l’ambassadeur du Kosovo et Taddei ont discuté d’une collaboration pour intégrer des talents albanais.
Revaloriser le système de formation : une priorité partagée
@Jean-Paul Venditti, directeur du Centre de formation romand des électriciens de réseau (CIFER), Antoine Racciatti, directeur des ressources humaines du groupe Orllati, Marco Taddei, directeur romand de l’Union patronale suisse
Jean-Paul Venditti, directeur du Centre de formation romand des électriciens de réseau (CIFER), a mis en lumière une problématique spécifique mais cruciale : le manque d’électriciens de réseau, ces professionnels essentiels à la gestion et au maintien des infrastructures énergétiques suisses. Selon lui, ce métier, bien que technique et stratégique pour la transition énergétique, souffre d’un manque de visibilité et d’attractivité auprès des jeunes générations. « Je résumerais la situation en trois mots : stimulation, enthousiasme et vocation. Pourquoi n’existe-t-il pas de films, de séries ou de jeux vidéo qui mettent en avant notre métier, alors qu’ils existent pour les médecins ou les policiers ? » a-t-il interrogé, appelant à une revalorisation médiatique des métiers techniques. Pour Venditti, il ne s’agit pas seulement d’un défi de ressources humaines, mais d’une question stratégique pour assurer la résilience des infrastructures énergétiques du pays.
Une réponse collective et innovante pour les électriciens de réseau
Pour répondre à cette pénurie, Venditti propose des solutions concrètes et audacieuses, comme la création d’un fonds dédié à la production de contenus médiatiques valorisant les métiers techniques, afin de susciter des vocations dès le plus jeune âge. Par ailleurs, il insiste sur l’importance d’investir dans la formation duale, qui allie théorie et pratique, pour adapter les compétences des apprentis aux besoins actuels et futurs du marché. « Ces métiers doivent devenir synonymes de fierté professionnelle et de perspectives d’avenir », a-t-il déclaré.
Flexibilité et ouverture : un marché du travail adapté
Ardian Laha, représentant de swissstaffing, a présenté des données tirées du White Paper de son organisation, mettant en lumière les transformations nécessaires pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre en Suisse. Il a souligné que la flexibilité est devenue un facteur clé pour attirer et fidéliser les talents dans un marché en mutation rapide. « Notre enquête auprès de plus de 1 200 travailleurs montre que la flexibilité – qu’il s’agisse des horaires, du lieu de travail ou de la répartition des tâches – est aujourd’hui essentielle », a-t-il déclaré. Laha a également insisté sur l’importance d’offrir des conditions adaptées aux besoins individuels, ce qui pourrait encourager la réintégration de nombreuses personnes actuellement en marge du marché du travail.
Cependant, il a averti que cette nouvelle flexibilité comporte des défis, notamment en matière de santé et de bien-être des employés. Selon lui, il est impératif d’adapter le cadre légal pour protéger les travailleurs dans ce contexte de changement. « Les entreprises doivent s’ajuster aux attentes des nouvelles générations et proposer des environnements de travail plus souples, mais elles ne peuvent pas le faire sans un soutien législatif adéquat », a-t-il ajouté. Cette approche, selon Laha, représente une des opportunités non seulement pour résoudre la pénurie actuelle, mais aussi pour réinventer le marché de l’emploi suisse en le rendant plus inclusif et durable.
La double responsabilité de la diaspora albanaise
@Arben Shabani, directeur d’Hitachi Energy et membre de l’AES
Arben Shabani, cadre dirigeant chez Hitachi Energy et membre de l’AES, a apporté un éclairage unique sur la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Suisse, en insistant sur le rôle crucial de la diaspora albanaise dans cette problématique. « En tant que diaspora, nous avons une double responsabilité : contribuer au développement du pays où nous vivons tout en soutenant celui dont nous sommes originaires », a-t-il affirmé. Shabani a souligné que l’apprentissage, pierre angulaire du système éducatif suisse, est « la voie royale » pour intégrer et former les talents, et a mis en avant l’importance des partenariats entre les entreprises et les institutions éducatives pour garantir un pipeline constant de professionnels qualifiés.
Une stratégie internationale et locale pour répondre à la pénurie.
Arben Shabani a également détaillé les initiatives de Hitachi Energy pour pallier la pénurie de main-d’œuvre. L’entreprise mise sur une combinaison de solutions : externaliser certaines fonctions vers des centres opérationnels à l’étranger, comme en Inde ou en République tchèque, tout en investissant localement dans des programmes de formation avec des partenaires éducatifs suisses tels que LIBS (Industrielle Berufslehren Schweiz). « Ces approches permettent non seulement d’optimiser les ressources, mais aussi d’assurer une meilleure planification sur le long terme, en collaboration avec nos clients et fournisseurs », a-t-il précisé.
Une stratégie globale pour l’avenir du secteur de la construction
Dans le secteur de la construction, souvent en première ligne face à la pénurie de main-d’œuvre, Antoine Racciatti, directeur des ressources humaines du groupe Orllati, plaide pour une approche collective et coordonnée. Le groupe Orllati a d’ailleurs mis en place un système de bourse de formation au Kosovo, illustrant son engagement concret envers le développement des compétences locales et la création de synergies internationales. « Chaque entreprise pense en fonction de ses propres besoins, mais la clé réside dans une vision commune », a-t-il affirmé. Pour lui, cette crise dépasse les intérêts individuels des entreprises et nécessite une réflexion globale impliquant les secteurs privés et publics.
La fragmentation des efforts, où chaque acteur agit isolément, risque de compromettre des initiatives pourtant essentielles pour maintenir la compétitivité du secteur. Il met en avant l’idée d’un dialogue renforcé entre les acteurs du marché et les décideurs politiques pour instaurer des mesures transversales capables de répondre durablement à la pénurie.
Allier talents locaux et internationaux : une vision équilibrée pour le secteur de la construction
Tous les panélistes ont insisté sur la nécessité de combiner développement local et apport de talents étrangers. Si la formation des jeunes en Suisse reste cruciale, elle ne suffit pas. Ils ont souligné l’importance de simplifier les processus administratifs et d’améliorer les conditions d’accueil pour les talents étrangers, tout en revalorisant les métiers de la construction par des efforts ciblés : meilleures conditions de travail, modernisation des infrastructures de formation et communication renforcée.
Renforcer les liens Suisse-Balkans pour une coopération gagnant-gagnant
L’AES et l’association albinfo.ch s’engagent à renforcer les liens entre la Suisse et les Balkans, dans une logique “win-win”. En mobilisant le réseau d’experts albanais, ils visent une coopération durable et équitable, capable d’inspirer des collaborations internationales pour relever les défis du marché de l’emploi.
@Albanian Engineering of Switzerland (AES)