Religion

«Celui qui tue un homme, tue toute l’humanité»

La prière du vendredi a été l’occasion pour l’imam du Centre islamique albanais de Lausanne, choqué par les événements français, de rappeler que le terrorisme est étranger à l’islam.

Les bras ouverts. C’est ainsi que les responsables et les fidèles du Centre islamique albanais de Lausanne nous reçoivent ce vendredi matin. Sous le choc après l’attentat contre Charlie Hebdo, ils redoutent plus que tout les amalgames.

L’imam Fehim Abazi, cravate bleu roi, nous serre franchement la main et nous tend aussitôt la traduction du prêche qu’il a préparé sitôt l’annonce du massacre. En Suisse depuis dix-huit mois, le religieux kosovar peine encore à s’exprimer en français, même s’il comprend bien nos questions. Un étudiant nous sert de traducteur.

«C’est une situation extrêmement grave et nous souhaitons présenter nos condoléances aux familles des victimes, déclare l’imam. Cet attentat n’a rien à voir avec une religion, avec le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme ou l’islam. C’est une atteinte directe à l’islam et aux valeurs sacrées de miséricorde et de paix. Le terrorisme est étranger à l’islam.»

Le petit groupe d’hommes qui partagent un café un peu plus loin écoutent avec attention le religieux, prêts à corriger notre traducteur si un mot était mal compris. «Ceux qui ont commis ce massacre ne méritent même pas le titre d’humains, continue Fehim Abazi. Des provocations, des caricatures, il y en aura toujours, mais nous ne devons pas nous abaisser à ces provocations. La vengeance n’est pas une valeur de l’islam. Mahomet a été critiqué, agressé, torturé, mais il n’a jamais réagi et il a prôné la tolérance, c’est ce que je rappellerai dans mon prêche.»

Petit à petit, la salle de prière se remplit. Quelques fidèles commencent à prier. Dans quelques instants, Fehim Abazi va s’adresser à eux. Il citera la sourate Al Maide 32 du Coran: «Celui qui tue une personne, c’est comme s’il avait tué toute l’humanité; s’il sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé toute l’humanité.»

«Notre communauté vit en Suisse, où elle a été soutenue par l’Etat, qui nous a ouvert toutes les portes. Nous avons une dette en quelque sorte à l’égard de la Suisse de nous avoir accueillis ainsi. La liberté d’expression et la démocratie existent en Europe et moi, comme imam, j’ai cette liberté d’expression. Nous défendrons cette liberté d’expression et cette démocratie. Mais il y a des gens qui veulent le mal, qui ne veulent le bien ni pour l’humanité ni pour leur communauté. Nous combattrons constamment leurs idées, au sein de notre communauté, et partout ailleurs. Et nous demandons aussi aux autorités, en qui nous avons confiance, de prendre au sérieux ces individus et de leur donner la place qu’ils méritent.»

Après l’attentat, des membres de la communauté ont eu besoin de le rencontrer pour partager leur trouble et savoir ce qu’il fallait en penser. Et dans son travail quotidien dans la communauté, il rend visite aux familles avec lesquelles il aborde les dérives de certains jeunes. C’est dans cet esprit que le Centre islamique albanais de Lausanne a été le premier dans le canton à condamner publiquement cet automne Daech, autoproclamé Etat islamique en Irak et au Levant.

«Nous devons faire passer ce message, c’est notre devoir. C’est ce que nous faisons au sein de l’Union vaudoise des associations musulmanes, où nous avons créé un conseil des imams», relève-t-il. Pendant que les fidèles commencent à affluer, Izmet Murtezi, porte-parole du centre, tient à lancer un appel: «Il faut que les autorités contrôlent tous les imams qui viennent en Suisse et leurs activités.»

Fehim Abazi enfile son habit religieux et s’approche du minbar pour entamer son prêche. La salle est comble. Il n’y a que des hommes, Fehim Abazi le regrette, nous explique notre traducteur. «Merci d’être venus», nous glisse un fidèle à la fin de la prière.

Article du “24 heures”