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La compagnie qui défie la mort

Depuis le début de la guerre du Kosovo, 115 personnes ont perdu la vie et 450 autres sont devenues invalides suite à des blessures causées par des mines antipersonnel. Afin que les habitants puissent circuler librement sur leurs terres, 126 démineurs des FSK défient chaque jour la mort.

Dispersés aux quatre coins du Kosovo, 126 hommes et femmes placés sous le commandement du capitaine Sejdi Krasniqi oeuvrent chaque jour pour détecter et détruire les « reliques mortelles » de la dernière guerre. La Compagnie de Déminage des Forces de sécurité du Kosovo (FSK) nettoie les champs de bataille où la guerre a fait rage il y a maintenant 14 ans.  

Au Kosovo, les conséquences de cette guerre menée par l’ancien président serbe accusé de génocide, Slobodan Milosevic, se font sentir encore aujourd’hui. C’est pour cette raison que celles et ceux que l’on appelle « les colosses de l’après-guerre » s’évertuent à nettoyer, les unes après les autres, toutes les parcelles de terrain sur lesquelles s’est déroulé le conflit. Les démineurs des FSK sont considérés comme figurant parmi les meilleurs de la région. Ces anciens membres du Corps de protection du Kosovo (TMK) ont désamorcé des milliers de mines sans aucune erreur.

2817 engins explosifs désamorcés en 2012

L’équipe d’albinfo.ch a rendu visite à la Compagnie de déminage de Prizren. Pressés par le mauvais temps, les soldats de cette compagnie avaient déjà terminé leur mission sur le terrain. A la caserne, le capitaine Krasniqi, un homme dans la cinquantaine, nous explique qu’il est satisfait du travail effectué par ses soldats. « En 2013, nous avons trouvé et désamorcé 81 morceaux de bombes à cassettes, 772 mines antichar et antipersonnel. Nous avons également découvert 736 mortiers, roquettes et grenades à mains. En tout, nous avons désamorcé 2 817 engins explosifs à risques », explique le capitaine Krasniqi. Selon lui, les FSK auraient nettoyé près de 108 758 mètres carrés de terrain suspect en une année.

Sa société de déminage est une unité du Régiment de la Protection civile. Elle compte 126 membres répartis en quatre sections dont l’unité logistique et l’unité médicale. Au Kosovo, 54 zones sont encore considérées comme étant dangereuses et 40 autres comme pouvant l’être. L’année dernière le capitaine Krasniqi a reporté 381 appels venant d’habitants ayant découvert un vestige de guerre potentiellement dangereux. Après des années d’expérience au sein des forces de l’UÇK, ces démineurs ont ensuite exercé au sein des forces de la KFOR. Depuis le dix octobre dernier, les démineurs de la FSK agissent de manière indépendance.

Prêts pour une intervention à l’étranger

« Il est important que nous soyons prêts à intervenir à l’étranger si nous en recevons l’ordre », déclare Krasniqi. Il se rappelle notamment le succès connu par son équipe lors d’une opération à Gërdec (Albanie) où des munitions de l’ancienne armée albanaise avaient explosé. L’OTAN a également salué les exploits des démineurs des FSK comme étant « les plus professionnelles de la région ».

Les membres des FSK sont prêts à intervenir à tout moment lorsqu’il s’agit d’engins explosifs répertoriés. Ils devront cependant suivre une formation spéciale pour pouvoir faire face aux bombes de construction artisanale. « Les zones minées sont principalement situées sur les lignes frontalières. Il s’agit des zones où les combats ont eu lieu, mais également des endroits où l’OTAN a bombardé.

Uniquement 8 euros par jour

Un démineur des FSK touche 8 euros par jour pour son activité. Avec son salaire de base, il peut arriver à 450 euros par mois. Mais à la moindre erreur, il ou elle risque sa vie. « Les rémunérations sont réglementées selon les grades, mais les salaires des soldats ne dépassent pas les 450 euros par mois », explique le sergent-major Isa Palushi. « Le temps de travail n’est comptabilisé qu’à partir du moment où l’agent est sur le terrain », ajoute-t-il.

Lors de cette visite, l’équipe d’albinfo.ch a également eu l’occasion de visiter le Centre d’entrainement des démineurs. Le sergent-major Palushi, ancien combattant de UÇK reconverti au sein des forces des FSK, n’a pas hésité à nous expliquer le fonctionnement de certains engins explosifs trouvés sur le terrain. Des portes ouvertes sont également organisées de manière ponctuelle, afin de sensibiliser les habitants à leur travail ainsi qu’aux différents types de reliques de guerre potentiellement dangereux que ces derniers pourraient trouver.

Selon les statistiques existantes, les FSK auraient nettoyé près de 100 millions de mètres carrés depuis la fin de la guerre. Près de 85 000 engins explosifs auraient été désamorcés.  « Il faudra encore quelques années avant que le pays puisse être débarrassé de tous les vestiges de guerre. A Ferizaj, on retrouve encore des mines datant de la Seconde Guerre mondiale », explique Krasniqi.

La visite s’est terminée par la cuisine de la compagnie où les soldats avaient dressé la table et ont amicalement invité l’équipe d’albinfo.ch à se joindre à eux pour leur repas.