Intégration
Entre guerre, immigration et résilience, le récit bouleversant d’Albina Kurtisi
Dans "Au nom de mon père", la jeune albano-vaudoise raconte comment ce qui ne l’a pas tuée la rendue plus forte. Elle présentait son livre le 26 octobre à Lausanne lors d’une soirée organisée par le groupe La Voix de la Diversité. Portrait d’une battante.
On croit que les souvenirs d’enfance s’estompent, que les petits oublient la guerre, le vacarme des bombardements, leur maison partie en fumée, l’effroi de leurs parents impuissants, la faim et la terreur.
C’est faux. Albina Kurtisi n’a rien oublié de ce 20 mai 2001 où sa vie et celle de sa famille ont basculé. Ni des jours qui ont suivi. Elle avait 5 ans lorsque l’armée macédonienne a bombardé son village au nord du pays dans une région peuplée à 40% d’Albanais. Elle se souvient pourtant dans les moindres détails de la chronologie des événements de ces semaines d’effroi, des gestes et des paroles de chacun, des regards échangés, des paysages dévastés, des chiens morts au bord des chemins, des cachettes de fortune, de cette petite veste rouge, aussi, sa préférée, dont elle se couvrait la tête pour se protéger de l’horreur. Elle n’a pas davantage oublié la peur de se voir arrachée à son pays, son arrivée en Suisse et ce premier jour d’école traumatisant dans un pays dont elle ne comprenait pas la langue, ni les moqueries de ses camarades et la cruauté de certains enseignants qui la poursuivront tout au long de sa scolarité. Mais elle garde aussi en mémoire les quelques belles personnes qui ont croisé son chemin et qui lui ont tendu la main.
«Albina, raconte-nous ton histoire!»
Ces souvenirs, d’une précision émouvante, Albina Kurtisi les relate dans Au nom de mon père, son premier livre. Un témoignage bouleversant qui raconte la malveillance des uns et la peur des autres, mais aussi le courage et la résilience. Qui confirme, surtout, que les enfants n’oublient rien et que leur existence se tisse autour de ces événements tragiques.
Un livre intime, rédigé dans un style factuel à la simplicité assumée. Car Albina ne s’embarrasse pas de formules inutiles ou d’explications. Elle pose juste sur les événements le regard de la fillette qu’elle était. Un regard simple et direct qui touche au cœur.
«Je me suis longtemps demandée si cette histoire m’appartenait, si j’étais légitime; je ne voulais pas passer pour une donneuse de leçon mais les gens me disaient « Albina, raconte-nous ton histoire!» Or il a toujours été plus facile pour moi de m’exprimer par écrit». C’est entourée de ses proches et de ses amis qu’ Albina Kurtisi a présenté son livre au public le 26 octobre dernier à Lausanne. Une soirée co-organisée par La Voix de la Diversité – un groupe de jeunes issus de tous les horizons et désireux de s’exprimer, dont Albina fait partie – et animée par sa fondatrice, Vjosa Gervalla, également directrice d’ Albinfo.ch. L’occasion, pour cette dernière, de rappeler le courage de la jeune autrice.
«Tu vas y arriver ma fille!»
Car malgré un parcours personnel, scolaire et professionnel semé d’embûches et d’humiliations, Albina n’a jamais lâché. «J’avais la rage en moi, écrit-elle. Je voulais à tout prix prouver à toutes ces personnes qu’elles avaient eu tort de me rabaisser et de ne pas croire en moi (…) et leur dire qu’elles n’avaient fait que me rendre plus forte».
Une force qu’elle doit aussi au soutien de son père. Un homme qu’elle connaît pourtant à peine lorsque la famille le rejoint en Suisse où il travaille depuis quelques années. «Avec le temps, nous deviendrons les meilleurs amis du monde, ma fille», lui avait-il alors prédit. Vingt ans plus tard, comme l’indique le titre de son livre, c’est à son père qu’ Albina Kurtisi dédie son premier ouvrage. «Il a toujours su trouver les mots pour m’encourager. Il me disait: tu y arriveras, ça prendra peut-être plus de temps que les autres, mais tu vas y arriver!»
Écrire pour exister
Pari tenu. Albina s’épanouit aujourd’hui dans son travail à la Confédération et dans sa passion pour l’écriture. «Écrire m’a permis de passer à autre chose. Aujourd’hui, je suis fière de moi, soulagée aussi». Des sentiments partagés par sa famille. «Le livre a toujours été très symbolique pour la population albanaise qui n’a pas pu exister en tant que peuple ou comme langue, explique Vjosa Gervalla. Écrire son histoire, c’est plus que juste écrire un livre, c’est marquer sa culture, assoir son identité, c’est une façon d’exister et de rappeler d’où on vient».
Pour Albina Kurtisi, c’est aussi un premier rêve qui se réalise. Elle en a d’autres. Et si la jeune autrice se dit plutôt réservée, ne vous y trompez pas: derrière son air farouche, Albina Kurtisi sait parfaitement d’où elle vient, qui elle est, et surtout où elle va.
Au nom de mon père, d’Albina Kurtisi, Vérone éditions 2022, 267 p.
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