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Retour sur le pénible parcours du jeune Amadou
Certains migrants ne sont autorisés à rester en Suisse ni comme réfugiés, ni comme personnes admises à titre provisoire et doivent donc quitter le pays. À l’occasion de la Journée internationale des migrants, la Commission fédérale des migrations publie un rapport et des recommandations concernant les personnes qui sortent du système d’asile. Le rapport de la CFM fournit des indications sur les profils de ces personnes, la manière dont elles vivent après être sorties du système d’asile, les voies sur lesquelles elles s’engagent et les perspectives qu’elles sont à même de développer. En outre, six portraits donnent « un visage » aux intéressés. La CFM a formulé des recommandations en se basant sur l’étude de l’entreprise KEK-Beratung.
Toutes les personnes du domaine de l’asile peuvent bénéficier d’une aide au retour, quel que soit le stade de leur procédure. Les réfugiés reconnus et certains étrangers ont également accès à l’aide au retour s’ils souhaitent retourner dans leur pays d’origine. Sont toutefois exclus de l’aide au retour les demandeurs d’asile déboutés qui ont commis un abus manifeste pendant ou après la procédure, ainsi que les personnes qui se sont rendues cou-pables d’un délit en Suisse. Les ressortissants des États de l’UE/AELE et des pays exemptés de l’obli-gation de visa n’ont pas droit à l’aide au retour.
Le portrait d’Amadou
Amadou a grandi avec ses parents, une sœur aînée et une sœur cadette, ainsi qu’un plus jeune frère dans une ville du sud de la Guinée, près de la frontière avec le Liberia. Le père d’Amadou était tailleur et sa mère tenait un petit commerce de vêtements.
Lorsqu’Amadou atteignit l’âge de 12 ans, son père contracta une maladie à l’évolution progressive : il ne pouvait plus marcher sans aide, car il tombait régulièrement et ne pouvait se relever seul. Comme Amadou était l’aîné des garçons, son père le garda auprès de lui pour le soutenir. Amadou interrompit l’école et s’occupa dès lors de son père – il n’avait pas d’autre choix.
Alors que la maladie du père progressait, celui-ci dut se rendre dans la capitale de la Guinée, à Conakry, pour être soigné à l’hôpital. Le frère cadet de son père vivait à proximité et Amadou pouvait vivre chez son oncle pendant qu’il s’occupait de son père à l’hôpital. Mais très vite, la famille n’eut plus eu assez d’argent pour payer le traitement à l’hôpital et les médicaments, et le père décéda.
Or le frère cadet du père décédé voulait qu’Amadou reste avec lui et travaille pour compenser les frais occasionnés pendant son séjour. C’est pourquoi Amadou dut effectuer des travaux dans les champs, ce qui ne lui plaisait guère. Il est d’une constitution plutôt délicate et manque de force ; il n’était pas à la hauteur du travail physiquement difficile dans les champs, auquel il n’était pas habitué. Amadou voulait retourner chez sa mère, mais cela n’allait pas, car depuis le décès du père, la famille manquait d’argent et toutes les réserves financières avaient été utilisées pour le traitement médical.
Amadou voulait travailler comme mécanicien dans un atelier pour motos et camions, et il avait même trouvé une place d’apprentissage. Mais contrairement à la Suisse, en Guinée les apprentis ne touchent pas de salaire. L’oncle força donc Amadou, employant pour cela la force physique, à retourner aux travaux des champs.
Lorsqu’un ami d’Amadou, qu’il connaissait de l’atelier, se rendit au Mali pour y chercher des pièces détachées, Amadou qui avait désormais 12 ans, en profita pour fuir au Mali. Il était persuadé qu’il pourrait gagner là suffisamment d’argent pour soutenir financièrement sa mère et sa fratrie, chez qui il ne pouvait pas retourner.
À Bamako, Amadou se débrouilla en effectuant des petits travaux. Comme « porteur », il trans-portait des charges pour d’autres personnes : les valises de voyageurs, des achats faits au marché ou ce qui se présentait. Il dormait quelque part dans la rue, près d’un mur, là où il trouvait un peu de protection. Cela lui permit de survivre tant bien que mal. Il ne restait rien pour soutenir sa famille. Amadou entendit dire par des connaissances que la situation était meilleure en Algérie. On y trouverait un meilleur travail, on y gagnerait plus d’argent et les gens seraient plus riches qu’en Guinée ou au Mali.
Amadou avait perdu la conviction que tout serait mieux dans le nord
Alors qu’il était en route pour l’Algérie, il fut fait prisonnier par des rebelles dans le désert avec de nombreux autres compagnons. Les rebelles appelèrent sa mère avec son téléphone portable, ils le battirent et le torturèrent pendant l’appel téléphonique pour que sa mère entende ses cris et paie une rançon. Il fut battu encore et encore pendant des semaines et suppliait sa mère de payer pour le libérer de cet enfer. Mais sa mère n’était pas en mesure de payer et, quand ses bourreaux le comprirent finalement, les rebelles le vendirent en Libye, où il fut de nouveau emprisonné. Là-bas, la même épreuve se poursuivit : il appelait régulièrement sa mère et son oncle pour mendier de l’argent. Il ne recevait presque pas de nourriture ; il tomba malade et s’affaiblit progressivement. Son seul souhait était de retourner dans sa famille dans le sud de la Guinée, mais cette route lui était barrée.
Finalement, à l’automne 2017, ses « propriétaires » libyens le forcèrent sous la menace des armes à embarquer avec de nombreux autres compagnons d’infortune dans un petit bateau pneumatique et à prendre la mer. Ils dérivèrent sur la Méditerranée dans leur embarcation de fortune. Ils eurent la chance d’être sauvés par un grand bateau italien qui les emmena à Catane (Sicile). De là, Amadou fut transféré dans un grand centre de réfugiés près de Bologne, mais ne fut apparemment pas enregistré comme réfugié. D’ailleurs, personne ne s’occupa de lui en Italie. Il reçut bien de la nourriture et put dormir dans le centre. Mais lorsqu’il tomba malade, il ne fut pas soigné et ne reçut pas de médicaments. Il dit et répéta qu’il voulait retourner en Guinée, mais personne ne l’aida. Amadou resta en Italie pendant presque deux ans.
Enfin, lorsqu’Amadou dut quitter le centre d’asile près de Bologne, parce qu’il n’était pas un réfugié et que les hébergements suffisaient à peine pour ces derniers, Amadou et d’autres jeunes hommes d’Afrique occidentale se mirent en route vers le nord. Une nouvelle fois, il espéra que la situation serait meilleure dans le nord. Enfin, à l’été 2019, il fut contrôlé par des douaniers suisses et arrêté. Cette fois-ci, l’expérience l’avait rendu plus prudent, il fit une demande d’asile et fut envoyé au Centre fédéral pour requérants d’asile de Boudry. Entre-temps, Amadou avait 20 ans et perdu la conviction que tout serait meilleur dans le nord.
Au troisième jour de son séjour à Boudry, Amadou se rendit au bureau du conseiller au retour de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui, au sein des centres fédéraux d’asile, offre des conseils aux requérants souhaitant retourner dans leur pays. Le conseiller en vue du retour lui indiqua quelles possibilités il avait pour soutenir son retour en Guinée et sa réintégration dans ce pays. S’il se décidait rapidement pour le retour, on lui paierait un billet d’avion et 1000 francs en liquide. Par ailleurs, Amadou développa un projet de réintégration avec le conseil-ler de l’OIM pour son retour en Guinée. Après son retour en Guinée, Amadou montera un petit commerce pour la vente de vêtements, comme sa mère, et sa mère le conseillera. Après son retour, l’OIM enverra Amadou suivre une formation d’une semaine à Conakry, au cours de laquelle on lui apprendra les principes de base d’une activité com-merciale indépendante. Ensuite, il pourra compter sur du matériel d’une valeur de 3000 francs pour démarrer son activité. Avec cet argent, il veut louer et installer un petit commerce dans son lieu d’origine, près du commerce de sa mère ; il veut acheter des miroirs et, bien sûr, des vêtements pour lancer son magasin.
Après un long voyage, souvent très éprouvant vers le nord, il pourra enfin retourner dans sa famille. La Suisse l’a très bien traité, lui a aussi prodigué des soins médicaux quand il en avait besoin, et lui permet maintenant de retourner dans sa famille en Guinée dans de bonnes conditions. Amadou en est reconnaissant. Aujourd’hui, il est convaincu que le meilleur endroit est chez lui, dans le sud de la Guinée, et que ses rêves s’y réaliseront.
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Rapport CFM_Personnes sortant du système d’asile_Profils, itinéraires (ou échappatoires), perspectives-1
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