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« Les tarifs albanais » : de la discrimination ou traitement justifié ? 

Faire payer plus cher l’assurance véhicule aux ressortissants Albanais, est-ce de la discrimination, comme le considèrent plusieurs experts et organisations visant à protéger les consommateurs ou est-ce le reflet de la réalité du terrain, comme l’identifient les sociétés d’assurances ?

Les étrangers qui vivent en Suisse et qui y assurent leur voiture paient manifestement bien plus que les Suisses. Et parmi les étrangers, ce sont les Albanais qui paient le plus. Les chiffres publiés dans la presse suisse démontrent une différence drastique avec les Suisses sur ce point. Indépendamment de la société d’assurance, de l’auto qu’ils assurent mais dépendamment du sondage, il en ressort que les Albanais sont davantage endommagés, avec une différence de prime allant de 60%, 95% voire 220% plus au niveau de l’assurance auto que les Suisses, aux mêmes conditions.

Ainsi, est-ce de la discrimination, comme le considèrent plusieurs experts et organisations visant à protéger les consommateurs ou est-ce le reflète de la réalité du terrain, comme l’identifient les sociétés d’assurances ?

Afin de s’approcher d’une réponse plus proche de la réalité, albinfo.ch a mené une large enquête sur le sujet. Les avis des parties engagées dans le cadre de ce contexte, tels que l’association suisse des assurances d’un côté et la fondation des consommateurs de l’autre, ont été recueillis afin de contribuer au mieux dans cette recherche. Des experts en matière d’assurances, suisses et albanais, ainsi que des assurances suisses ou des assurances gérées par des Albanais de Suisse ont également pris part à cette enquête. Cet objectif plutôt ambitieux s’est illustré dans le dossier plutôt volumineux présenté dans le numéro du magazine albinfo.ch que vous tenez entre vos mains.

Évidemment, nous ne prétendons pas détenir la vérité absolue. Ce qui a été accompli dans notre cas précis est le recueil de toutes les opinions, souvent contradictoires, en rapport au sujet traité. Le lecteur pourra tirer ses propres conclusions quant à la meilleure marche à suivre dans le cas de l’assurance auto, en plus de s’informer en détail au sujet d’un problème qui le préoccupe.

Dossier sur la discrimination 

Procédons dans l’ordre : une étude pertinente réalisée en 2011 constatait que les conducteurs albanais (principalement du Kosovo) causaient 2.1 fois plus d’accidents que les Suisses. D’autres communautés étrangères sont évidemment « bien » représentées dans cette liste pas très glorieuse. On peut évoquer ici les Turcs, avec 1.9 fois et les Italiens avec 1.2 fois au-dessus de la moyenne des Suisses. Sans entrer dans la question du principe, si un tel traitement est discriminatoire – en Allemagne et Autriche, il est par exemple considéré comme illégal – une question plus pratique se pose : que se passe-t-il au moment où un étranger devient citoyen suisse ? Dans l’une des sociétés d’assurance, on nous dit que dans un tel cas, le conducteur de l’auto est simplement placé dans une autre catégorie et on procède ainsi car le fait de se munir d’un passeport suisse ne change pas la façon de conduire.

Que dit l’Association Suisse des assurances à ce propos ?

“Les assurances s’efforcent de définir au mieux le risque que présent un conducteur. Pour ce faire, elles rédigent « les groupes de risque » afin de rassembler les risques similaires. Pour les endommagements entrent en compte les facteurs suivants : le genre, l’âge, le lieu de résidence, la nationalité, le type de voiture, l’expérience au volant. Les assureurs ont le droit d’utiliser les critères mentionnés dans le but de calculer les primes, si ces dernières sont appuyées par les chiffres, ont expliqué pour albinfo.ch les représentants de l’Association suisse des assurances.

Et qu’en dit la Fondation des consommateurs ? 

Cette problématique est vue d’une façon plus nuancée par la Fédération des consommateurs. La directrice juridique de cette fondation a expliqué pour albinfo.ch que « le problème de la discrimination nous est également connu. » L’exemple des conducteurs venant des Balkans, qui paient en général des primes plus élevées pour assurer leurs voitures, est certainement le sujet le plus connu et le plus relaté par la presse. En principe, il est difficile de contredire le fait qu’un sinistre a une influence sur la prime qui doit être payée. Mais nous sommes en principe contre une catégorisation forfaitaire du risque (par exemple selon la nationalité) pour le calcul des primes. Quoi qu’il en soit, les assurances ont une réponse qui clos le débat : depuis 1996, la taxe unique pour les primes d’assurances a été supprimée. Ainsi, en Suisse, les assureurs sont libres de décider sur les tarifs comme bon leur semble.

Allianz Suisse setzt bei der eigenen Fahrzeugflotte auf Vollhybrid. Die ersten 30 Toyota Auris Hybrid Fahrzeuger werden am 1. Februar 2011 uebergeben. (PHOTOPRESS/Sigi Tischler)

Allianz: Il ne s’agit pas de discrimination mais de calcul de risque 

“La nationalité, en plus du type de voiture, de l’âge, du genre et du lieu de résidence du conducteur, est l’une des caractéristiques prise en compte comme critère par Allianz Suisse. Des groupes sont formés ensuite d’après les données existantes et de la fréquence des sinistres. Les statistiques démontrent, par exemple, que les jeunes conducteurs causent plus de dommages que ceux qui sont expérimentés. Ceci est donc valable pour plusieurs nationalités. Sur cette base, il est possible que pour des groupes de nationalité différentes, les primes sont calculées différemment en ce qui concerne l’assurance automobile ou l’assurance-ménage. Cette pratique n’est pas une discrimination mais le calcul d’une prime en corrélation avec le risque. Ce calcul est appuyé par un nombre important de statistiques, a expliqué Bernd de Wall, porte-parole d’Alliance Suisse, pour albinfo.ch.

Les taxes « pour albanais » sont interdites en Allemagne car discriminatoires 

Selon Heinrich Schradin, expert en assurances à l’Université de Köln, il faut faire attention à ce que les relations statistiques ne se confondent pas avec les causalités. « Le passeport ne peut être la raison pour laquelle quelqu’un conduit mal. Cela voudrait dire que la façon de conduire change au moment il se munit du passeport d’un pays. » Donc, selon lui, cette discrimination basée simplement sur une statistique est inadmissible. En fait, « les coûts accessoires pour les albanais » ont été supprimés il y a longtemps en Allemagne. Elles sont interdites car considérées comme discriminatoires.